Crise du COVID et environnement de travail

Les espaces de travail et notre façon de collaborer ont connu une transformation profonde depuis plus de 20 ans et tout porte à croire que cela va continuer.

D’ici 10 ans les retombées du co-working pourraient représenter plus de 123Mds d’euros de retombée économique en France (selon une étude d’IWG). 62 % des entreprises françaises interrogées disent avoir mis en place une politique « d’espaces de travail flexibles », que ce soit sous forme de télétravail ou de bureaux partagés (édition 2019 de l’enquête Global Workspace Survey).

Et ce n’est pas seulement un effet de mode si l’on développe des modes de travail flexibles. Les méthodes de management ont changé, alimentées par la recherche en sciences humaines et sociales qui a posé les fondations théoriques de l’action des cadres dirigeants. Et enfin le croisement de différentes générations sur le marché du travail impose aux organisations existantes de prendre en compte les nouvelles attentes et de mettre en place télétravail, voire travail dans des Tiers Lieux.

Des transformations bien engagées

Le mode de management traditionnel, hyper hiérarchisé, avec de fortes pressions de la part des dirigeants est en perte de vitesse. Le mode de travail collaboratif, basé sur la confiance envers son collaborateur le remplace progressivement. A cette évolution s’est ajoutée une multitude d’expérience pour transformer l’environnement de travail. Nombre de professionnels s’y sont attelés: designers de mobilier professionnel, architectes spécialisés dans l’aménagement de bureau, ou encore sociologue/psychologue du travail. En un mot l’espace de travail s’est imposé comme un levier de la politique managériale. 

A cette transformation des bureaux, s’est ajouté le croisement de générations, bien différentes… Aujourd’hui ce sont 4 générations qui cohabitent avec des représentations du monde, des ambitions professionnelles ou encore des attentes dans leurs vies professionnelles très différentes. Le schisme principal se trouvant à l’émergence d’internet. On trouve donc d’un côté les 2 générations pré-internet Babyboomers et génération X, et de l’autre, les générations Y et Z qui ont respectivement connu la naissance et la normalisation d’internet.

Pour mieux travailler avec les générations Y et Z, les organisations existantes ont eu recours à la refonte de leurs espaces de travail et à l’adoption de politique de travail flexible. D’une part en transformant le bureau traditionnel en open space, les cadres dirigeants ont cherché à aplanir les relations. D’autre part les managers ont pris conscience que l’aménagement des conditions de travail flexible conditionne la performance et la productivité des collaborateurs.

Dans ce contexte la crise du COVID-19 a forcé les équipes managériales à accélérer les transformations qui étaient à l’oeuvre.

Avant la crise 32% des DRH interrogés avaient mis en place le télétravail pour tous les salariés selon une étude de Great Place to Work (HR: quelles tendances et quels enjeux pour 2019) . Le télétravail était alors un outil de management et un vaste champs de réflexion. Fabienne Chol Directrice générale adjointe en charge des RH de la région Ile de France confiait que le télétravail était:

comme un emménagement, ou un levier de transformation des modes de travail et des pratiques managériales. Je ne recommanderais pas de le déployer s’il ne s’inscrit pas dans une réflexion plus large sur l’organisation”.

Débattu en entreprise, parmi les professionnels et jusqu’à l’Assemblée Nationale, le télétravail a fait l’objet d’une intense réflexion de toutes ses parties prenantes. 

Dans ce contexte, le COVID-19 aura simplement imposée le télétravail au reste des organisations récalcitrantes à sa mise en place, et avec toute l’intensité et la brutalité qu’apporte une crise. C’est à marche forcée que le télétravail a dicté l’aménagement de notre nouvel environnement de travail !

D’abord la mise en place du télétravail s’est assortie d’actions concrètes pour maintenir le poste de travail opérationnel. C’est naturellement le digital qui a été le vecteur de cette adaptation (aussi appelé Digital Workplace). Les outils collaboratifs tel: que la visio-conférence (Zoom, Skype), la messagerie interne (Slack, Hangout) ou encore à la mise en place du Cloud (OVHCloud, AWS, ou encore Azure) ont accompagné cette transformation de l’espace de travail.

Puis c’est le mode de management qui a dû s’adapter à cette nouvelle réalité. Conf call hebdomadaire, point en one to one, apéro-visio du soir entre collègues pour maintenir le contact. La communication interne est intensifiée par la mise en place de newsletter et de channel Slack dédié aux actualités.

La crise du COVID a également mis en exergue le coût que représente un poste de travail. Toutes catégories confondues, il faut débourser 13.566 euros (ou 764 euros/m²) par an pour asseoir un salarié dans un bureau en France (étude réalisée par l’ARSEG en 2019). Certaines organisations qui avaient d’ores et déjà intégré le télétravail dans leur ADN se sont ainsi posé la question de résilier (ou à minima de renégocier) leurs baux commerciaux au début de la crise du COVID-19 pour économiser.

Chacun a pu prendre conscience que le télétravail est totalement envisageable et qu’il ne remet pas en cause notre efficacité lorsqu’il est déployé dans de bonnes conditions…

Mais si le télétravail a fait le bonheur des novices pendant les premières semaines, il a aussi révélé ses limites. Les équipes dirigeantes et les habitués de ce mode de travail ont alertée sur ses travers (à l’image de la Association Nationale des DRH).

En effet, les limites du télétravail se sont dévoilées avec plus d’acuité que jamais: de la solitude, à la cassure du lien social en passant par la démobilisation des équipes ou la porosité entre la vie professionnelle et personnelle (qui plus est avec les enfants à la maison…).

La crise du COVID-19 aura également repositionné le débat sur la flexibilité de notre environnement de travail.

Alors ne nous leurrons pas. La crise n’aura pas balayé la réflexion en cours sur le télétravail. Elle aura montré qu’il est possible d’envisager l’espace de travail différemment qu’au bureau.

“Ainsi la crise du COVID-19 va simplement réorienter, recycler et ouvrir plus largement la réflexion sur les modes de travail” Tristan Bochu, Co-fondateur de Wooky Home.

Si la question que se posaient les managers était “doit-on adopter le télétravail ou pas ? Et si oui comment l’articuler au mode de management, à notre légalisation, à notre mode de fonctionnement etc?” alors la crise leur aura montré que le télétravail relève du champs des possibles. Et plus généralement, il faut voir dans cette situation une merveilleuse opportunité pour creuser la réflexion sur notre espace de travail. 

Une fois de retour à la normale, une partie des collaborateurs militera probablement pour la conservation du télétravail. Dès lors, le manager devra se questionner sur les évolutions à apporter à l’environnement de travail qu’il propose à ses collaborateurs. Evidemment, il commencera par revoir sa copie en ce qui concerne le “homeoffice” en cas de maladie. Et il pourra aussi se questionner plus largement : “Quel cadre de travail pour aller avec quel contexte ? Comment le cadre de travail proposé permettra-t-il à l’avenir de développer/stimuler la créativité/la collaboration ?

Dans ce contexte l’après crise du COVID-19 ne sera-t-elle pas le théâtre d’une floraison d’innovation en matière de nouvelle politique managériale liée au cadre de travail ? 

Depuis 3 ans maintenant, émerge une 3ème alternative dans les politique(s) de flexibilité du travail. Un courant qui est en train se faire une place de choix dans les pratiques des managers. Tandis que l’espace au bureau est réorganisé mais reste un lieu de travail, le télétravail propose quant à un lui un lieu plus adapté à la personnalité mais n’offrant pas de convivialité. Une solution hybride entre coworking et télétravail.

Je veux parler du tiers-lieux.

Les tiers-lieux, selon Ray Oldenburg professeur de sociologie urbaine à l’Université de Pensacola en Floride, désignent les environnements sociaux entre la maison et le travail. Un Tiers Lieux est un lieu où les personnes se plaisent à sortir et se regrouper de manière informelle, situé hors du domicile (first-place) et de l’entreprise (second-place).

Depuis, la notion de tiers-lieu à évoluée et surtout de nouveaux espaces ont vu le jour tels que les espaces de coworking, les fablabs, livinglabs, hackerspaces etc….Il en existe de multiples usages : éducatifs, agricoles, artisanaux et d’activité (typologie de la coopérative des lieux, 2019). Il faut voir dans ces espaces des lieux de convivialité, des espaces de partages et de collaboration.

Les bureaux et la visio ne suffisent plus. Pour bien travailler il faut trouver des espaces plus adaptés aux enjeux du moment. Dans une étude réalisée par Sharp Business Systems France: “59% des employés interrogés ont déclaré que les réunions n’aboutissent généralement pas à une action ou à un résultat concret et 56% des collaborateurs interrogés qualifient « d’ennuyeuses » la majorité des réunions auxquelles ils assistent. Parmi les raisons avancées pour expliquer ce manque d’intérêt 66% personnes des personnes interrogée(s) regrettaient que des réunions se déroulent dans salles inadéquates“.

Alors ne serait il pas intéressant d’avoir recours à des Tiers Lieux atypiques pour rompre avec le train train habituel ?

De nombreux  professionnels du management l’ont déjà bien compris. Selon une étude du Great Place To Work, 40% des DRH interrogés avait déjà mis en place une politique de travail dans des Tiers Lieux. 26% souhaitent le développer dans les années à venir. Mais quand on y pense, les Tiers Lieux se résument aujourd’hui à des centres d’innovation, des fablabs, ou des bibliothèques réhabilités aux goûts du jour. Bref la question qui se pose est souvent la même: “Hé tu connaitrais pas un endroit sympa où on pourrait aller passer la journée pour bosser tous ensemble sur le plan d’action ?”.

Dans le sillage des Tiers Lieux se développe un modèle de location d’espace de travail atypique chez des particuliers. A l’image d’Airbnb, de plus en plus de propriétaires de maisons d’exception ou de chambres d’hôtes ont pris l’initiative de s’inscrire sur des réseaux tel que Wooky Home 

Tristan Bochu, co-fondateur de Wooky Home:

 “En 2017, mon associé et moi même travaillons dans une start-up qui avait quelques problèmes de management, de croissance, de financement…     bref tout ce que peut connaitre la vie d’entrepreneur. Notre CEO a pris l’initiative de conduire l’équipe dans un cadre décalé. Un espace spacieux, lumineux et inspirant chez un particulier. L’ambiance de travail était telle que nous avons voulu recommencer l’expérience. Impossible de trouver un lieu adapté. C’est alors qu’on a décidé de monter Wooky Home: une plateforme qui met en relation des propriétaires d’espaces de travail atypiques (maison d’exception ou chambre d’hôte) avec des professionnels”.

Dans ce modèle Wooky Home a la conviction que l’épanouissement et le bien être des collaborateurs est conditionné par l’environnement de travail.

Wooky Home s’inscrit comme un partenaire des professionnels qui souhaitent agir sur le cadre de travail. En proposant un catalogue d’espace de travail atypique à leur collaborateurs, les cadres dirigeants font évoluer leurs méthodes de management. Certains groupes s’y rendent pour une après-midi et profiter d’un cadre atypique pour booster leur créativité. D’autres choisissent les tiers-lieux chez des particuliers lors d’une journée complète pour lancer un projet spécial, ou accueillir de nouveaux collaborateurs dans un cadre chaleureux.

On peut aussi imaginer que l’après crise du COVID-19 sera marquée par le recours à des Tiers Lieux pour des raisons sanitaires et économiques. Rassembler plusieurs dizaines de collaborateurs dans une même salle de réunion est contre productif et accroît les risques de propagation d’épidémie. En limitant le nombre de participants à une réunion et en proposant de sortir du bureau qui centralise les collaborateurs, les managers verront surement dans les Tiers-Lieux une solution de choix pour contourner le bureau.  

Enfin, ces espaces apportent une teinte décontractée qui correspond bien à un format de célébration ou de séminaire. Wooky Home, va même plus loin et aide ses clients à mesurer l’impact du cadre de travail sur le bien-être des collaborateurs.

En conclusion, la transformation de nos espaces de travail était déjà bien engagée. Cela faisait plusieurs années que le bureau traditionnel était devenu un lieu de convivialité. A la vague des open space a succédée une nouvelle vague: celle du travail flexible. Les managers et manageuses se sont laissés aller au flexoffice, co-working et télétravail. Sur ce dernier point la crise aura encore accéléré le recours à ce type de flexibilité, et mettant en exergue ses limites. Se faisant elle dévoile une nouvelle façon de travailler depuis des Tiers Lieux.